Tentative du Tour du Mont Blanc en autonomie – Septembre 2024
Entre France, Italie et Suisse, suivez notre tentative du Tour du Mont Blanc en autonomie. Un périple de 170 km, des tempêtes, des panoramas à couper le souffle… et des leçons pour la prochaine fois.
Jour 1 – Les Houches → Refuge du Nant Borrant
On s’est fait déposer aux Houches tôt le matin du 4 septembre, avec pour objectif d’atteindre le refuge du Nant Borrant, à environ 22 km de là. On consultait la météo en boucle, les doigts croisés, mais ça ne s’annonçait pas fameux : seulement deux jours de beau temps prévus sur toute la semaine, et pas juste quelques gouttes, de vraies tempêtes en perspective.
Mais on n’avait pas vraiment le choix, des congés ont été posés, alors on s’est lancées dans l’aventure, les sacs bien chargés, prêtes à s’aérer la tête et à profiter, on voulait essayer peu importe les conditions.
La première montée, jusqu’au col de Voza, a été rude. Mais alors qu’on approchait du sommet, les nuages se sont ouverts, révélant une vue spectaculaire sur l’Aiguille de Bionnassay.
Depuis le col de Voza jusqu’aux Contamines, le sentier serpente à travers la forêt, traverse des rivières et des prairies, tout en contournant le massif du Mont Blanc. On est arrivées au village vers 15h. Premier réflexe : foncer au petit supermarché pour acheter tout ce qui nous faisait envie sur le moment, avant de s’asseoir sur la place du village pour une pause bien méritée.
Quand on randonne, il y a un truc à savoir : ne jamais s’asseoir trop longtemps, sinon c’est mission impossible pour repartir…
Je crois qu’on ne s’est presque plus parlé pendant la montée suivante — deux bonnes heures à marcher tout droit, en montée régulière, chacune dans sa bulle. Exténuées, on a atteint l’aire de bivouac près du refuge du Nant Borrant en début de soirée. Pas mal de randonneurs étaient déjà installés.
On s’est baignées dans la rivière glaciale, puis on a dégusté notre tout premier repas lyophilisé (délicieux… il faut dire que tout a meilleur goût après une journée de rando). On s’est endormies assez tôt, sans la moindre idée de ce qui nous attendait.
Option tram col de la Voza: Il est aussi possible de monter au col de Voza en prenant le tramway du Mont-Blanc depuis Le Fayet ou Saint-Gervais — une bonne option si on veut éviter la première grosse montée.
Jour 2 – Refuge du Nant Borrant → Les Chapieux
Se réveiller le matin du 5 avec une tente complètement trempée, c’était quelque chose. Je m’étais en fait réveillée en pleine nuit et j’avais réalisé que l’intérieur de la tente était inondé… mais trop fatiguée, à moitié dans les vapes, j’étais simplement retournée dormir. Il avait plu toute la nuit, sans interruption, une vraie pluie torrentielle , et ça ne montrait aucun signe d’accalmie au réveil. Tout était détrempé.
On a plié nos affaires en vitesse, enfilé des couches sèches, mis nos vêtements imperméables, et on est reparties. La montée suivante, vers le col de la Croix du Bonhomme, était devant nous… enfin, quelque part dans le brouillard, car on ne voyait pas grand-chose. La pluie nous fouettait le visage, le vent glacial s’infiltrait à travers nos vêtements, on grelottait jusqu’aux os. Le tonnerre grondait autour de nous, les éclairs zébraient le ciel.
C’était irréel. Probablement l’expérience de randonnée la plus difficile que j’aie vécue, et aussi celle où je me suis sentie le plus en danger. Et pourtant, la montagne avait quelque chose de magnifique, de puissant.
Alors qu’on approchait du sommet, j’ai aperçu une petite cabane. On s’y est précipitées, littéralement, pour tenter de se réchauffer et dégeler nos mains. Elle était minuscule, noire, pleine de randonneurs trempés dans le même état que nous.
Même avec des vêtements imperméables, parfois, ça ne suffit pas. J’ai enlevé ce qui était le plus mouillé et j’ai essayé d’enfiler ce qu’il me restait de sec, je n’arrivais pas à calmer mes tremblements. J’ai regardé Chloé , on n’avait pas besoin de se parler pour comprendre qu’on était toutes les deux inquiètes du froid… et on n’était même pas encore tout en haut.
En poursuivant la montée vers le refuge du col de la Croix du Bonhomme, le vent s’est soudainement calmé. Et c’est là qu’on a retrouvé un peu d’énergie, un peu de légèreté. On s’est arrêtées pour respirer et admirer cette nature sauvage, brute, magnifique, même au cœur de la tempête.
Au refuge de la Croix du Bonhomme (2443m), bondé de randonneurs trempés, on a partagé un thé et une tarte aux myrtilles, en essayant désespérément de nous réchauffer et de dégeler nos mains. Puis on a entamé la descente vers Les Chapieux, toujours sous la pluie. Et puis, à mi-chemin… c’est arrivé. Le ciel a changé, les nuages se sont écartés, le soleil est apparu, chaud, éclatant. Et la vallée s’est ouverte devant nous, avec les sommets de la Vanoise en toile de fond. On s’est même mises à courir.
En arrivant aux Chapieux (petit hameau, situé entre Tarentaise, Beaufortain et massif du Mont Blanc), on s’est arrêtées dans un petit bistrot pour faire le point. Les prévisions météo pour les jours à venir étaient mauvaises, très mauvaises. Et la suite du sentier nous emmenait à nouveau en altitude, vers l’Italie… avec une tente et des vêtements trempés.
À contrecœur, on a décidé qu’il valait mieux redescendre à Bourg-Saint-Maurice, la ville la plus proche, pour se sécher, se reposer une nuit, et réfléchir à la suite. On avait compris qu’on ne pourrait pas terminer le TMB dans le temps qu’on s’était donné.
Parfois, c’est la montagne qui décide pour toi. Et il y a aussi une forme de beauté dans ça.
On a passé la nuit dans un camping à Bourg-Saint-Maurice, après un trajet en bus venteux, une douche chaude, et un profond sentiment de fierté d’avoir surmonté une journée aussi intense.
Jour 3 : Bourg saint Maurice - Chamonix en Stop
Le jour 3 était plutôt tranquille. On s’est réveillées à côté de notre tente, qu’on avait montée à côté de nous, pour la faire sécher. Les autres vacanciers du camping nous lançaient des regards un peu étranges, il faut dire que Chloé dormait dans sa couverture de survie, ce qui ajoutait à la scène un petit côté « expédition de l’extrême ». Fatiguées, mais heureuses. Une fois passée la déception initiale d’avoir dû renoncer au TMB, on avait retrouvé le sourire.
On avait un nouveau plan : faire du stop pour retourner à Chamonix et parcourir une portion du TMB là-bas, en s’adaptant à la météo, sans se mettre de pression.
Au final, c’était une super journée. Il faisait beau, on a réussi à faire du stop jusqu’à Chamonix dans l’après-midi. On a eu de la chance : un couple nous a prises à Ugine et nous a déposées jusqu’à Saint-Gervais, puis un homme népalais nous a emmenées jusqu’au bout du trajet.
C’était étrange de se retrouver déjà de retour à Chamonix, seulement quelques jours plus tard, alors qu’on avait l’impression d’être parties depuis une éternité. Le contraste entre les rues animées de Chamonix et ces moments seuls en pleine montagne, sous la tempête, était saisissant.
Depuis Chamonix, on a pris un bus jusqu’à Argentière, un petit village entre Cham et la frontière suisse, où on a planté la tente pour la nuit. Une bière, un repas lyophilisé plus tard, on s’est glissées dans nos duvets désormais secs, sous un ciel étoilé, à discuter de la vie.
Jour 4 – Argentière → Lac Blanc
Il nous restait un peu moins de 24 heures avant que le soleil ne cède à nouveau sa place à la pluie. Alors on a décidé de monter jusqu’au Lac Blanc pour y passer la nuit en bivouac.
La montée vers le lac s’est faite en douceur. Les vues à couper le souffle sur le massif du Mont Blanc étaient là, fidèles, et cette fois-ci, on avait vraiment le temps de les savourer. On est d’abord arrivées au lac de Cheserys. J’avais quelques douleurs au genou droit, une tendinite qui traînait depuis la saison de ski, alors on s’est posées pour une petite sieste. Il y avait pas mal de monde, mais on n’était plus pressées.
On a attendu que le sentier se vide un peu avant d’attaquer la dernière section, une petite échelle et une montée raide qui mène jusqu’au Lac Blanc. Et là… c’était absolument sublime. C’est une randonnée incontournable dans le massif des Aiguilles Rouges.
Le site se compose de deux lacs : un premier, plus petit, avec une vue incroyable sur les sommets acérés du massif du Mont Blanc, qui se reflètent dans l’eau comme dans un miroir ; puis un second, plus grand, aux reflets turquoise, caché derrière une grande paroi rocheuse.
Le bivouac autour du Lac Blanc est interdit (zone protégée), il faut redescendre légèrement, près du lac de Cheserys, où le bivouac est autorisé, à condition de le déclarer sur le site dédié.
On savait que ce serait notre dernière nuit là-haut. Il faisait un peu frais, on a sorti nos repas lyophilisés accompagnés de quelques bonnes choses. On a profité du calme absolu, de cette paix propre à la montagne, si rare ailleurs. On a même eu la visite de quelques bouquetins, venus paisiblement brouter non loin de notre tente, comme pour partager ce moment suspendu avec nous.
On a parlé longtemps, cette nuit-là. J’avais même réussi à dénicher une petite bouteille de vin rouge pour marquer le coup. On a parlé des prochains voyages de Chloé, elle s'envolait bientôt à l’autre bout du monde, pour l’Australie.
En Montagne, quand tu dors là-haut, tu t’arrêtes un instant. Tout devient immobile. Et les tracas du quotidien paraissent très loin, comme s’ils faisaient partie d’une autre vie.
Jour 5 – Lac Blanc → Chamonix
Dernier jour, et c’était une vraie course contre la montre pour redescendre avant le retour de la pluie. On a plié le camp sous un ciel encore clair, un peu nostalgique déjà, et on a entamé la descente en direction de Chamonix.
Le début de la randonnée jusqu’à la télécabine La Flégère était vraiment agréable , l’air était frais, les jambes un peu lourdes mais le moral léger. Les vues sur les sommets étaient encore là, majestueuses, comme si elles nous accompagnaient une dernière fois. Puis, on a quitté le sentier principal pour couper par les pistes de ski. La pente était raide, très raide, et nos genoux s’en sont vite souvenus. Enfin, le dernier tronçon du parcours s’est déroulé sur un sentier plus plat, qui serpentait à travers une forêt dense.
Alors qu’on atteignait Chamonix, la pluie s’est remise à tomber, une tristesse nous habitait. Un petit pincement au cœur, on a pris le temps de manger, puis on a couru attraper notre bus de retour vers Annecy.
Ce n’était pas l’aventure qu’on avait prévu, mais j’ai aimé chaque instant — le bon comme les moments difficiles. Parfois, il faut simplement s’adapter à la nature, car elle ne s'adapte pas à toi.
Option Télécabine: la télécabine de la Flégère part de Chamonix et vous mène jusqu’à la station de la Flégère à 1 900 m, vous faisant gagner environ 800 mètres de dénivelé dès le départ. De là, il reste encore environ 450 mètres d’ascension jusqu’au Lac Blanc (2 352 m).
https://www.instagram.com/reel/C_tWM0lo0Y5/?utm_source=ig_web_copy_link&igsh=MzRlODBiNWFlZA==
Conseils pratiques pour le TMB en autonomie
Les snacks à emporter
Mélange maison de fruits secs, noix, raisins, chocolat, dattes… plein d’énergie, qui se conserve longtemps et ne prend pas de place.
Energy balls maison, riche en protéines. Il faut des dattes, de noix, de beurre de cacahuète ou d’amande, un peu d’huile de coco solide puis au congèle en petit boules — simple à préparer, délicieux, et super efficace contre les coups de fatigue.
Oeufs durs et bananes. Si tu trouves des œufs ou des bananes dans les petits supermarchés sur la route : fais-les cuire le soir.
L’équipement essentiel
Bien sûr, il y a tout l’équipement de base à emporter, tente, sac de couchage, matelas, poche à eau… Mais voici quelques objets et conseils importants qu’on oublie parfois, et qui peuvent vraiment faire la différence une fois sur les sentiers.
Bâtons de marche
Ne partez jamais en randonnée itinérante avec un sac à dos chargé sans bâtons de marche. Ils sont absolument indispensables pour soulager les genoux, garder l’équilibre et économiser votre énergie sur les longues distances, surtout en montée et en descente. Ils deviennent vite une extension naturelle de votre corps.
Chaussures et chaussettes adaptées
Les ampoules sont l’un des pires ennemis du randonneur. Une fois qu’elles apparaissent, chaque pas devient un supplice, je l’ai compris à la dure.. Pour les éviter :
Ne partez pas en longue rando avec des chaussures neuves — il faut les casser avant.
Portez des chaussettes à la bonne taille, de préférence en laine mérinos, qui évite la transpiration et donc les frottements.
Et surtout, emportez de quoi soigner les ampoules (pansements type Compeed, crème anti-frottement, sparadrap, etc.).
Pourquoi choisir la laine mérinos
C’est la matière miracle pour la rando. La laine mérinos sèche très vite, ne garde pas les odeurs, vous garde au chaud quand il fait froid et au frais quand il fait chaud. Vous pouvez porter le même t-shirt pendant plusieurs jours sans problème — idéal quand on veut voyager léger.
Filtration de l’eau et hydratation
Même si on peut souvent remplir sa gourde dans les refuges, et que la plupart des rivières en altitude semblent pures (surtout quand il n’y a pas de troupeaux au-dessus), il n’y a rien de pire que de manquer d’eau… ou de tomber malade à cause d’une bactérie. Mieux vaut anticiper que regretter. Vous pouvez également bouillir l'eau pour qu'elle soit propre.
Sachets de sel ou électrolytes (éviter les crampes)
Quand on transpire beaucoup, on perd des minéraux (sodium, magnésium, etc.). Sans eux, attention aux crampes, fatigue et déshydratation. Les sachets d’électrolytes, à dissoudre dans l’eau, aident à rester en forme tout au long de la journée.
Une corde fine (étendre le linge, tendre une bâche…)
Légère mais indispensable : pour sécher ses vêtements, tendre une bâche, réparer, accrocher quelque chose… Elle rend toujours service au bivouac !
Périodes
Le TMB se fait idéalement entre fin juin et mi-septembre :
Fin juin – début juillet : moins de monde, paysages fleuris, mais quelques névés possibles sur les cols.
Mi-juillet – août : météo plus stable et journées longues, mais c’est la haute saison — les sentiers et refuges peuvent être très fréquentés.
Septembre : plus calme, lumières magnifiques, températures plus fraîches. Attention, certains refuges ferment à partir de la mi-septembre si vous ne souhaitez pas le faire en autonomie.